Découverte d'une nouvelle espèce d'Orang-outan
Le 3 novembre 2017, une nouvelle fait l'effet d'une bombe dans la communauté scientifique. Alors qu'on ne pensait qu'il n'y avait que deux espèces d'Orang-outan sur la planète : l'Orang-outan de Bornéo et l'Orang-outan de Sumatra, une troisième espèce : l'Orang-outan de Tapanuli est décrite au journal officiel : "current biology". J'ai eu la chance d'être un des premiers photographes animaliers à rencontrer ce mystérieux grand singe dans les forêts de Batang-toru à Sumatra.
Maxime Aliaga
" L'homme de la forêt "
En malais Orang-outan signifie "L'homme de la forêt", c'est une espèce fascinante, tellement proche de nous qu’elle ne peut nous laisser indifférente et nous renvoie aux origines propres de l’homme. Ce singe nous ressemble, imposant au poil roux flamboyant il a quelque chose dans le regard et dans son attitude qui nous transperce et nous émeut. Comme s'il était un lointain cousin de la famille ayant voulu garder sa liberté de continuer à vivre en harmonie dans la nature. D’ailleurs, scientifiquement parlant nous faisons partie de la même famille : celle des grand singes ou « hominidés », au même titre que les gorilles, les chimpanzés et les bonobos. Nous partageons 97% de notre ADN avec eux.
Les Orangs-outans ne se trouvent qu'en Asie du sud Est, ils sont répartis entre la Malaisie et l'Indonésie. Toutes les espèces sont en danger critique d'extinction. Vivant dans les forêt tropicales humides ils se sont vus détruire leur habitat naturel à une vitesse fulgurante ces cinquantes dernières années. En cause les plantations d'huile de palme qui grignotent de plus en plus sur la forêt originelle à un rythme effréné. Si cela continue on estime que les Orangs-outans pourraient disparaitre dans les vingts prochaines années. D'après les dernières estimations il resterait moins de 14 000 Orangs-outans de Sumatra...
Un programme pour la protection des Orangs-outans : SOCP
Heureusement des associations se battent sur le terrain pour aider à la conservation des Orangs-outans. Le « Sumatran Orangutan Conservation Programme » (SOCP) est un de ces acteurs principaux. Il existe depuis une dizaine d’années et ses actions sont basées sur plusieurs axes: la protection de l’habitat naturel des Orangs-outans, l’étude des populations sauvages, la ré-introduction d’Orangs-outans blessés ou confisqués et enfin l’éducation du grand public. Les Orangs-outans confisqués et récupérés par l’association, parfois en mauvaise condition physique, sont accueillis dans le centre de quarantaine du programme. Loin d’être un zoo, cette structure accueille aujourd’hui plus de cinquantes pensionnaires dont la plupart sont des jeunes de moins de cinq ans. Le challenge pour les équipes du centre est de les éduquer et les encourager à retrouver leur comportement sauvage pour pouvoir être ensuite relâchés dans leur habitat naturel quand ils seront prêts.
"Le programme est un succès, plus de 200 Orangs-outans ont déjà été relâchés dans la nature."
Découverte d'une troisième espèce d'Orang-outan
Au sud du lac Toba, dans les forêts du massif de Batang Toru vit une petite population d’Orangs-outans isolés. Les scientifiques ont récemment découvert que leur morphologie ainsi que leur ADN étaient différents des deux autres espèces déjà connues. En effet, ils ont un plus petit crâne mais de plus longues canines, leurs pelage est aussi plus vif que ces cousins. Le 3 novembre 2017 la nouvelle est tombée, l’Orang-outan de Tapanuli (Pongo tapanuliensis) est officialisé par le monde scientifique comme la troisième espèce d’Orangs-outans. D’après des études poussées, il semblerait qu’elle se soit séparée des deux autres espèces il y a environ 3,4 millions d’années. Chose plus surprenante encore, il serait plus proche de l’Orang-outan de Bornéo (Pongo pygmaeus) que celui de Sumatra (Pongo abelii).
Travaillant comme photographe volontaire pour le programme SOCP, j'ai donc était envoyé sur place dans la forêt de Batang toru pour faire des images de l'Orang-outan de Tapanuli. J'ai donc effectué deux expéditions de 10 jours chacune en pleine immersion dans cette forêt de montagne. Des conditions de vie très spartiates dans un camp de fortune au milieu de la forêt, de longues marches et la difficulté de trouver les Orangs-outans ont rendu ces expéditions particulièrement éprouvantes. Je suis malgré tout parvenu à faire des images de ce magnifique grand singe jusque là encore inconnu du grand public. Mes images ont ensuite fait le tour du monde pour illustrer la nouvelle et présenter notre nouveau cousin au monde entier.
A peine découvert, déjà en danger d’extinction critique !
Avec seulement 800 individus restants et ne vivants que dans 1100 km², cela fait de cette espèce le grand singe le plus menacé d’extinction au monde. Malgré cette incroyable découverte et le classement tout aussi récent de la forêt de Batang Toru en réserve naturelle, la pression humaine ne lâche pas son emprise destructrice sur la nature, et un projet de barrage hydro-électrique menace de détruire 10% de la zone. Il faut espérer que la médiatisation de cette nouvelle espèce aidera dans la prise de conscience et permettra la conservation de son habitat naturel qui est une priorité si l’on veut permettre à cette nouvelle espèce de perdurer.